Projet Ecole

Publié le par M. Neff

 

  1. Les préparatifs

    1.1. Naissance du projet

    1.2. Les productions

    1.3. Réunion de préparation à Makhana

     

  2. Visite du Djoudj

    2.1. Responsabilités de chacun

    2.2. Budget

    2.3. La sortie pédagogique

    2.4. Le bilan

     

  3. En classe

    3.1. Faire classe

    3.2. La restitution des productions

     

  4. Au retour

    4.1. Retour aux élèves alsaciens

    4.2. Projets ultérieurs

     

  5. Remerciements

 




  1. Les préparatifs

     

    1.1. Naissance du projet


Pour faire court...


En 2006/2007, j'étais en poste à Ingersheim, à l'école du Centre, en charge de la classe de CM2. Au cours d'un débat, une élève me dit : « On sait qu'on a de la chance, que d'autres enfants dans le monde n'ont pas les mêmes conditions de vie que nous. Mais nous, on a dix ans. Notre argent de poche ne suffit pas pour envoyer quelque chose de décent à une organisation, et nos discours d'enfants ne sont pas écoutés par les adultes qui ont leurs propres préoccupations. »

Départ intéressant. J'ai voulu leur montrer que si, à dix ans, si on le veut vraiment, on peut s'engager. J'ai voulu éveiller leurs esprits en espérant que plus tard, ils se souviendront de leur action. Et c'est ainsi que j'ai greffé mon projet personnel à un projet de classe.


1.2. Les productions


Concrètement, voici ce que nous avons fait :

  • En 2006/2007 avec les CM2 de l'école du Centre d'Ingersheim :undefined

    • Approcher de loin l'Afrique en faisant des objets sonores en terre rouge, argile du continent africain, et confection de masques en plâtre après observation des masques tribaux de cérémonie.

      undefined

    • Ecriture et enregistrement d'une chanson : « Entre noir et blanc »

    • Ecriture d'un livre : « Suite et fin du roman de Renart réinventé »undefined

    • Elaboration d'un DVD-rom comprenant nos productions de l'année : exposés individuels et collectifs témoignant de certaines périodes de l'histoire de France, sensibilisation à l'environnement grâce à une recherche sur l'énergie nucléaire et à un compte-rendu sur le traitement de l'eau suite à la visite de la station d'épuration de Colmar, diaporamas photographiques de nos sorties pédagogiques et de nos productions artistiques, vidéos de diverses séances de classe, témoignages de manifestations locales (carnaval, aria, kermesse...) etc.undefined

    • Ouverture d'un blog sur Internet : http://ingersheim.over-blog.com afin d'entamer une correspondance avec une classe à l'étranger et de pouvoir ainsi échanger et comparer nos modes de vie, nos modes de fonctionnement scolaire etc.undefined

    • En fin d'année, nous avons présenté toutes ces productions et d'autres, que j'ai oubliées de citer, lors du grand vernissage, à l'école du Centre. Les élèves avaient tenu un stand de jouets à vendre, petit marché aux puces qui nous a permis de récolter 300 euro. Argent qui servira à financer une action pour les CM2 de l'école de Makhana au Sénégal.

       

  • En 2007/2008 avec les élèves de l'Atelier Relais d'Illzach :

     

    • Création d'une fresque undefinedsur toile de lin peinte à la glycéro pour une meilleure résistance face aux conditions climatiques makhanaises. Sur cette fresque, les élèves ont voulu représenter nos deux mondes mélangés dans le sable. Cigognes cottoient éléphants et dromadaires, sapins (dont un sapin de Noël) jouent de leur ombre avec palmiers et baobabs, le Rhin fait concurrence à une oasis, la cathédrale de Strasbourg se cache au détour d'une dune de sable sous un soleil cuisant, alsaciens en costume traditionnel paradent devant leurs maisons à colombages tandis que commerçants africains vendent de délicieux fruits devant leurs cases.

    • Etude de certaines caractéristiques de l'Afrique dont le résultat, représenté sur une affiche sera remis à Makhana : undefinedla géographie de l'Afrique avec ses 46 pays, undefinedla diversité des 2000 langues regroupées en 6 grandes familles,undefined le combat de Nelson Mandela, undefinedl'apartheid undefinedet une affiche enseignant comment dire bonjour dans plus de 30 langues du monde entier.

    • Réalisation d'un album photo explicatif, organisé en grands chapitres : les différents monuments historiques de France, nos traditions alsaciennes, nos montagnes, nos ressources, nos personnalités (quelques dirigeants français, chanteurs, acteurs, écrivains, sportifs et artistes en tous genres) etc.


1.3. Réunion de préparation à Makhana


undefinedA mon arrivée à Makhana, j'appris que les élèves étaient libérés de leurs classes pour quelques jours, leurs enseignants avaient regagné leurs domiciles respectifs à Dakar ou ailleurs. J'ai ainsi eu un moment de désenchantement... J'avais en tête plusieurs projets pour investir l'argent récolté.


  • Repeindre la salle de classe avec le concours des élèves était une de mes premières aspirations. Etant donné les circonstances, ce projet n'est pas viable.

  • Acheter des fournitures scolaires afin d'apporter davantage d'outils pédagogiques aux élèves. Le directeur de l'école m'explique que c'est chose faite, tout a été mis en oeuvre grâce au budget apporté par l'Etat. D'ailleurs, ce projet était celui qui personnellement me convenait le moins, au final, car mon objectif n'est pas de financer une école à Makhana, je ne suis pas dans une logique d'assistanat. Je souhaite seulement créer des liens solides entre écoles.

  • Permettre aux élèves de sortir de leur village et de profiter d'une sortie pédagogique concrète qui permettrait de compléter la théorie. Cet objectif-là sera retenu par le directeur. Il m'explique que beaucoup d'enfants ne sont jamais sortis de l'enceinte de Makhana. Pour les autres, les sorties sont des sorties ravitaillement à Saint-Louis. Il trouvait donc que la sortie pédagogique pourrait leur offrir une autre vision de leur monde et un élargissement culturel qui pourrait leur procurer des émotions et qui leur permettrait d'approcher l'ailleurs avec leur propre interprétation. Ce qu'ils ne peuvent pas en classe dans la mesure où ce qu'ils connaissent du monde, ils ne l'ont vu qu'en images dans les livres de classe. Le choix de la sortie s'est imposé de lui-même. Ce sera le Djoudj. Ce choix me ravit puisqu'il me permet de m'investir totalement dans une dynamique d'échange.


  1. Visite du Djoudj

     

    2.1. Responsabilités de chacun


La fin de notre réunion aura consisté en l'attribution des différents rôles à chaque protagoniste.


  • Téléphoner à Babacar, l'instituteur des CM2 pour lui demander son accord : Monsieur Faye, directeur de l'école.

  • Réservation d'un bus de l'université Gaston Berger de Saint-Louis par le biais du frère d'Alassane : Alassane et Maryline.

  • Se renseigner à l'office de tourisme de Saint-Louis sur les prix de l'entrée au Djoudj et de la location de pirogues : Maryline.

  • Prévenir les élèves de la classe des CM2 grâce au griot : Véronique et Maryline.

  • Puiser de l'eau dans un bidon, acheter les oeufs et le pain : Iba.

  • Préparer les sandwiches : Sokhna.

  • Participation de makhanais adultes du village : Véronique.

  • Location d'une voiture supplémentaire si le bus scolaire ne suffit pas : Bouby.

     

En réalité, voilà ce qui s'est passé :


  • Sont partis 65 personnes : 40 élèves de CM2, leurs 2 instituteurs, nous 9 toubabs, 14 makhanais.

  • Babacar était ravi de l'initiative et a totalement adhéré au projet.

  • La location du bus à l'université est tombée à l'eau ! Le prix demandé était trop élevé, même après négociation. La réponse du responsable était la suivante : « Toi, tu es toubab, tu as de l'argent, alors tu peux payer ». Le cliché qu'on nous sert à chaque fois. Finalement, en accord avec Alassane, il a été décidé d'aller à Saint-Louis dans une compagnie de bus. Il a également été décidé que je ne sois pas présente, pour éviter une remarque similaire. Finalement, nous disposerons d'un bus de 30 places. Y seront placés les 40 élèves, leurs 2 instituteurs et moi-même. Pour les 22 adultes restants, il y aura la camionnette avec laquelle nous sommes arrivés jusque-là et la voiture de Bouby.

  • A l'office de tourisme, on m'a donné les coordonnées du Djoudj pour que je puisse négocier un bon prix avant d'être arrivée sur place. Je suis allée au télécentre pour appeler Maxime, mon interlocuteur. Je lui ai expliqué mes motivations et surtout d'où venait l'argent que nous avions. Très compréhensif, il nous a baissé de 66% le tarif habituel. Restait à négocier sur place l'entrée du parc avec les autorités.

  • Pour la nourriture, on s'est retrouvé avec seulement le pain et l'eau... Les oeufs n'ont pas été achetés. J'ai donc prévu d'acheter de quoi garnir le pain sur place.


2.2. Budget


Pour financer cette sortie, je disposais de 300€, soit 192 000 fCFA.


Location du bus de 30 places : 110 000 fCFA.

Location de la voiture de Bouby : association Alsace-Makhana.

Location des pirogues pour les enfants : 1 000 fCFA/eft soit 40 000 fCFA.

Location des pirogues pour les adultes : association Alsace-Makhana.

Entrées du parc : offerte par l'Etat puisqu'il s'agissait d'une sortie scolaire. J'ai seulement dû faire une lettre de remerciement au Conservateur du Djoudj avec le concours de mes acolytes.

Salaire de deux guides : 10 000 fCFA.

Achat de sardines et de boeuf pour garnir les sandwiches ainsi que de paquets de Biskrem (dessert préféré des enfants makhanais) : 32 000 fCFA.


2.3. La sortie pédagogique


undefinedNous avons pris place dans les véhicules à 9h00 du matin. Ont succédé 1h30 de piste. Et déjà quelques frissons pour les élèves lorsque le bus penche dangereusement d'un côté de la route, dénivelé de 30 cm entre les deux côtés latéraux du chemin. Moi, ça me fait rire. undefinedUn rire nerveux peut-être...

Arrivés à l'entrée du parc de Djoudj, nous louons deux pirogues avec guides et nous partons pour deux heures d'émerveillement.


undefinedIci, aucune trace de présence humaine, qui comme chacun sait, ne peut s'empêcher de détériorer la nature lors de son passage. Quelle leçon ! Autant pour nous que pour les africains qui n'ont pas de poubelles et qui ont alors pour coutume d'évacuer leurs déchets dans des terrains vagues, par-dessus les palissades.

Nous sommes dans une réserve naturelle, rien à voir avec nos zoos occidentaux où nous pouvons nourrir une multitude de bêtes enfermées dans quelques mètres carrés de cage, tout entourées de macadam et de béton.

Les élèves ont à loisir d'admirer la diversité animale. undefinedDes singes, undefinedun groupe de phacochères, des vaches africaines, undefineddes crocodiles, petits et gros, undefinedet un python-boa, que nous appellerons ainsi en raison d'une divergence dans la reconnaissance de l'animal. undefinedEt tout le long, des milliers d'oiseaux pêcheurs, plus somptueux les uns que les autres. Ils nous ont offert une démonstration de leur toilette, de leur quête de nourriture, de leur nage et envol, de leurs dessins harmonieux à la queue-leu-leu dans le ciel, de leur organisation en groupe etc.

undefinedCe qui a le plus impressionné nos sens, c'est le ban de pélicans ! Autant par la taille et la forme de leurs corps, que par leur nombre et leur odeur !

Personnellement, j'ai oublié le nom de toutes ces espèces aux patronymes plus compliqués les uns que les autres, mais les élèves, studieux, avaient apporté cahiers et stylos pour prendre un maximum de notes.


Dans le bus, au retour, les élèves m'ont offert leur joie de cette journée en entonnant divers chants appris à l'école. En wolof, souvent, en tapant des mains et en remuant sur les sièges. Y a pas à dire, ils ont vraiment la musique et le rythme dans le sang. C'est un vrai bonheur pour moi. Pour terminer le concert, j'ai eu droit à un chant que nous autres connaissons aussi... « A la pêche aux moules moules mouleuuuuus... »


undefinedPour le retour, nous empruntons un chemin différent qui nous conduira dans le village de Diama. Là, nous ferons une pause pique-nique. Travail à la chaîne : Sokhna découpe chaque baguette de pain en 3, Myriam y met les sardines et j'y mets le boeuf. Iba et Alassane s'occupent de mettre tous les déchets dans des sacs poubelles. Babacar ouvre les vannes du bidon d'eau pour désaltérer ses élèves. On finit en apothéose par la distribution de 3 biskrem à chacun.


Nous repartons ensuite vers le barrage de Diama où les élèves pourront observer les mécanismes et la mécanique de la station, sous les explications concises et claires de leur enseignant. Nous franchirons ensuite à pied la frontière pour nous retrouver en Mauritanie. Et juste là, c'est comme au Sénégal, seulement, on peut dire qu'on était en Mauritanie ! Les makhanais en profitent pour faire quelques achats, notamment en sucre, car les prix sont largement plus intéressants qu'au Sénégal.

Puis, nous reprenons la route pour arriver à la tombée du soir à Makhana.

Tous sont complètement lessivés !


2.4. Le bilan


Le bilan pourrait être résumé en un seul mot : ultra-positif.

Les makhanais ont eu un moment d'évasion, nous autres avons pris une leçon d'écologie, et les enfants sont sortis de leur quotidien en vivant ce qu'ils n'avaient vu qu'en images.


Les élèves ne sont pas très causants. D'une part leur français ne leur permet pas d'entamer de longs discours, et d'autre part, il n'est pas dans la culture africaine de laisser une grande place à la parole des enfants. Ces derniers n'ont donc pas l'habitude qu'on leur demande leur avis et sont pour le moins décontenancés lorsque c'est le cas. Pour moi, c'est très embêtant, car je ne sais pas s'ils ont apprécié la journée...

Mais je finirai par savoir que mon objectif a été atteint grâce à Alassane qui a surpris une conversation en wolof entre élèves, au détour d'une rue. Il m'expliquait que les enfants racontaient leur sortie à d'autres enfants qui n'avaient pas été présents. Pour ce faire ils utilisaient des mots comme : « super, magnifique, beau » sans oublier de mentionner qu'ils avaient appris beaucoup de choses sur les espèces animales. Ils ont aussi dit qu'ils attendaient avec impatience que j'aille en classe le lendemain. Ouf ! Me voilà rassurée.


Outre apporter ceci, mon objectif était d'établir des liens solides avec les enseignants de l'école, et plus largement les villageois. Ma participation en classe m'a permis d'entreprendre un réel contact avec les élèves et d'avoir de longues discussions sur les méthodes et programmes pédagogiques promulgués par nos Educations Nationales respectives, à Babacar et à moi. J'ai également eu un entretien avec monsieur Faye, le directeur de l'école pour cibler d'autres actions futures. Pour finir, nous sommes repartis avec dans nos carnets d'adresse le téléphone de nombreux makhanais. Il ne tient maintenant qu'à nous de ne pas couper le lien qui s'est tissé.


  1. En classe

     

    3.1. Faire classe


Babacar et moi avons eu une longue discussion quant aux programmes et aux méthodes pédagogiques préconisées par nos deux pays.

Nous nous sommes rendus compte que pour les programmes, il y a de grandes similitudes : en français, un accent est mis sur la grammaire, la conjugaison, le vocabulaire et l'orthographe. Lorsque je lui ai dit que chez nous cela s'appelait l'ORL, il a esquissé un sourire : pourquoi donner un sigle compliqué pour cela ? Quant à la littérature, elle existe aussi au Sénégal, mais elle n'est pas prioritaire. L'accent est mis sur l'apprentissage de la lecture et de l'écriture dans la mesure où le français n'est pas la langue maternelle des enfants qui s'expriment ordinairement en wolof. En mathématiques, même chose : numération et calculs, géométrie, mesure et problèmes. Encore une fois, l'accent est mis sur la technique des opérations et moins sur les problèmes. En histoire et en géographie, étude des climats et reliefs, des moyens de transports, de l'organisation des villes etc. Tout ce qui compose nos programmes français. Mais à Makhana, c'est plus compliqué : ils étudient la France et le Sénégal, soit un pays de plus que chez nous en plus du monde. Ils traitent moins l'Europe. Pour les sciences : le monde animal et le corps humain sont à l'honneur, ainsi que les énergies et la mécanique. Comme chez nous ils procèdent par manipulation et expérimentation. La musique est essentiellement composée de l'apprentissage de chants en wolof et en français. Pour les arts visuels et l'E.P.S., nous n'en n'avons pas parlé. Oublis de notre part.

Là où nos enseignements divergent, c'est dans la méthode. Au Sénégal, elle est essentiellement transmissive et magistrale tandis qu'en France nous essayons de mettre l'élève au coeur de ses apprentissages par la réflexion, la manipulation, le débat et autres alternatives. Pour donner un exemple concret : la séance de mathématiques s'est résumée à des rappels. Dans le cahier de brouillon, les élèves avaient à faire une succession d'opérations (additions, soustractions, multiplications et divisions). La vérification se faisait grâce à la preuve par 9. Et c'est là que je suis devenue moi aussi élève... Chez nous, au CM2, on vérifie avec la calculatrice pour s'habituer à son utilisation au collège. J'ai aussi trouvé les opérations particulièrement difficiles, des divisions de petits nombres par de grands nombres à virgule. Les makhanais maîtrisent mieux la technique opératoire que nous. En revanche, les problèmes sont assez simplistes et ne nécessitent pas trop d'opérations intermédiaires, contrairement à nos problèmes en France.

Pour la séance de français, Babacar a inscrit le titre au tableau. Il a ensuite expliqué la règle puis l'a écrite au tableau. Les élèves l'ont recopiée dans leur cahier de leçon. S'en suit un exercice oral où des élèves sont invités au tableau. Pour terminer, l'évaluation a lieu de suite, avec un exercice écrit dans le cahier d'évaluation.


Babacar est un professeur très dynamique. C'est agréable d'assister à un de ses cours, car même si c'est essentiellement transmissif, il a une présence forte et on croirait même qu'il chante lorsqu'il parle. Il scande avec rythme la leçon. Encore une fois, la musique n'est pas loin ! C'est un homme très consciencieux et il aime son métier. Il a l'ambition de faire entrer tous ses élèves au collège et de les porter le plus loin possible dans les études. Mais il sait que ce ne sera pas le cas, faute aux réalités de la vie quotidienne de ces enfants.


Dans sa classe, il n'y a pas d'élèves perturbateurs. Il y a des petits rigolos, mais pas de gros soucis à gérer au quotidien. Du coup, il exerce son métier d'enseignant et non d'enseignant-éducateur comme nous le voyons parfois en France. Les contacts avec les parents ne se font pas nécessairement à l'école. Les enfants viennent seuls. Les parents sont croisés lors de fêtes au village ou dans la petite épicerie du coin.


Les élèves adorent aller au tableau. Ainsi, lorsqu'ils sentent le moment venir, les 40 bondissent de leur banc, le doigt haut levé en criant : « Monsieur, monsieur, monsieur... » Ca fait un bruit dingue ! C'est d'ailleurs les seuls moments où il y a du bruit. Les élèves sont volontaires et heureux d'apprendre. Ca fait plaisir à voir.


Lors de mon premier jour de classe, je suis accueillie par Babacar qui me dit : « J'ai une cousine éloignée qui est décédée. Je dois aller à Dakar, je te confie les élèves. Ce qu'ils doivent apprendre ce matin est inscrit dans mon cahier. A bientôt ! » Prévoyant, il a demandé à l'un de ses collègues de veiller sur moi. Le directeur aussi fera quelques apparitions pour voir si tout se passe bien. On m'a dit que je m'en suis bien tirée. Cool !

En mathématiques, j'ai à nouveau fait faire diverses opérations compliquées et nous les avons vérifiées avec la preuve par 9.

En français, la séance d'apprentissage était neuve, ça a donc été plus long. Et puis ici, l'accent est mis sur le français plus que sur les autres matières puisque ne s'agissant pas de la langue maternelle de l'endroit, il faut bien l'entraîner et la consolider. Je leur ai donc enseigné la différence entre les adjectifs numéraux ordinaux et les adjectifs numéraux cardinaux... Moment de flottement : « Koik c'est ça ??? » Mais j'ai vite repris mes esprits. La leçon a été comprise, j'ai essayé de faire comme Babacar, c'est à dire un cours magistral. Me fondant ainsi sur leurs habitudes j'avais davantage de chances de me faire comprendre et d'être efficace. Après avoir écrit la leçon dans le cahier, nous avons fait un exercice au tableau. Et foison de « Madame, madame, madame... ». Pas de fautes, objectif accompli. « Des 117 candidats à l'examen, 52 ont été reçus. Septembre est le neuvième mois de l'année. » Dans le texte, les phrases n'ont pas de lien entre elles. Où est le sens ? Mais les réponses sont correctes et exigeantes : « 117 : nature : adjectif numéral cardinal, genre : masculin nombre : pluriel, fonction : détermine candidats ; Neuvième : nature : adjectif numéral ordinal, genre : masculin, nombre : singulier, fonction : détermine septembre ».

J'avais le projet de faire classe « à la française » pour montrer notre système, mais le temps ne m'a pas laissé faire en raison de la libération des élèves pour quelques jours.


A la récréation, les élèves quittent l'école et rentrent chez eux ou courent dans les rues de sable du petit village de brousse de Makhana. La cour est déserte. Le directeur est assis en tailleur sur le sol, il prépare le thé dans une petite théière posée sur des braises à même le sable.


A Makhana, les élèves, toutes classes confondues, ont classe de 8h à 13h tous les jours sauf le samedi et le dimanche. La récréation sonne de 11h à 11h30 grâce à un élève désigné qui se suspend à la corde pour faire tinter la cloche.


Au CM2, il y a 40 élèves répartis sur huit années de naissance différentes. Les élèves ont donc de 8 à 16 ans. Cette disparité est fréquente dans les campagnes, car certains élèves arrivent tardivement à l'école et sont donc déjà adolescents au CM2. Dans les villes, cela n'arrive pas. Il y a aussi pas mal de redoublants. Les redoublants sont les élèves qui ont le plus de mal à parler et comprendre la langue française. L'intégralité de l'enseignement se fait en français. Seule une heure par jour est enseignée en wolof.


Les niveaux s'organisent comme en France. Simplement, ils appellent ce que nous connaissons comme C.P. (cours préparatoire) C.I. (cours d'initiation). A la fin du CM2, les élèves passent le certificat d'études, ce qui leur donne accès au collège et à la 6ème.


Dans la classe, il n'y a pas de lumières électriques. Seul le soleil éclaire la pièce. Aux murs, des dessins à la craie pour masquer la peinture qui avec le temps quitte les parois. Derrière le bureau de Babacar, le seul affichage de la salle. Il comprend l'emploi du temps, la liste nominative des élèves et leur répartition selon leur âge et selon leur sexe.


Un grand tableau vert au mur, sur lequel on écrit avec des vraies craies qu'il faut d'abord humidifier avec de l'eau pour qu'elles écrivent. Au sol, un seau d'eau avec pour éponge un morceau de matelas en mousse découpé. Les élèves sont assis sur des bancs en bois auxquels des tablettes sont attachées. Ils sont alignés les uns derrière les autres, en trois rangées. Cela me fait penser aux classes françaises que l'on peut voir sur des photos noir et blanc. Ca a un charme fou. On sent le vécu. Davantage que dans nos classes neuves en formica et en ferraille. Mais c'est plus ergonomique. On ne peut pas tout avoir.


3.2. La restitution des productions


Lundi matin, je me suis rendue à l'école, chargée comme un mulet. C'était le jour de la distribution des productions des élèves alsaciens.


J'ai d'abord commencé par leur expliquer le pourquoi du comment. Je ne reviendrai pas là dessus, il me semble m'être déjà bien étendue sur le sujet.


J'ai ensuite présenté le livre en disant simplement que nous avions étudié le roman de Renart, qu'il avait plus aux élèves et que ces derniers avaient eu l'envie d'écrire la suite du roman. J'ai ensuite expliqué la démarche : constitution de 5 groupes de 5 élèves environ, chaque groupe ayant la responsabilité d'un chapitre. Pour organiser l'histoire, on choisit une situation, des personnages, un lieu, une époque. L'histoire a un début, un déroulement en succession d'actions et une fin. D'abord se mettre d'accord sur ce qui nourrira l'histoire. Le rédiger. Corriger en plusieurs étapes etc. Puis choix des événements à illustrer. Ecriture du texte sur ordinateur, scan et intégration des illustrations. Mise en page après observation de l'organisation d'un roman (première et quatrième de couverture, paragraphes et alinéas etc...) Impression et reliure du document.

Je leur ai ensuite lu la première aventure, en la racontant davantage qu'en la lisant, certains termes me semblant trop inaccessibles. Nous avons ensuite expliqué les mots inconnus, reformulé l'histoire. J'ai ensuite demandé l'opinion personnelle des enfants. Il en résulte que selon eux : les élèves alsaciens ont fait un énorme travail et que le résultat est drôle et plaisant. Les makhanais sont heureux d'accueillir ce livre dans leur bibliothèque.


J'ai ensuite présenté la fresque. Rebelote, explication du pourquoi du comment et de la technique employée ainsi que des différentes phases de recherche pour savoir quoi représenter.

J'ai demandé aux élèves ce qu'ils voyaient sur la fresque et j'ai expliqué les représentations inconnues : la cathédrale est un lieu de culte, comme une mosquée. La cigogne est un animal africain mais l'Alsace se l'est totémisé. Les sapins gardent leurs épines en hiver, c'est un arbre toujours vert, contrairement aux feuillus, nus en froide saison. Le tram, c'est comme un bus en ville, mais c'est aussi comme un train, ça roule sur des rails... etc. J'ai également expliqué l'utilité des colombages, des tuiles sur les toits, du sens de Noël et pourquoi nous décorons un sapin. Un flux d'informations continuel d'une heure trente. Les élèves buvaient mes paroles mais ne posaient pas trop de questions. Nous nous sommes également attardés sur les représentations du village africain. Il en ressort que notre perception est biaisée... Tous ne vivent pas dans des cases. Au contraire, de plus en plus, les maisons sont de forme carrée ou rectangulaires, construites en briques. De plus, tous ne sont pas commerçants. A Makhana, 98% des travailleurs se rendent au G.D.S. (voir article sur le G.D.S. !)


Lors de mes explications, j'ai parlé de France, d'Alsace... Des mots. Alors un petit cours de géographie s'est imposé.

Dans un premier temps, j'ai dessiné la France. Ai demandé le placement de Paris, la capitale. La croix fut tracée dans le massif central. J'ai corrigé le tir. Comme autre grande ville française, les élèves connaissaient Marseille. A cause du foot et de l'O.M. J'ai placé l'Alsace et Strasbourg.

Par la suite, j'ai représenté rapidement l'Europe puis le nord de l'Afrique. Nous y avons placé le Sénégal, Dakar et Makhana.

J'ai ensuite développé un tracé de la trajectoire que notre Fiat Ducato a empruntée pour arriver à destination. Nous avons ensuite joué aux enchères pour déterminer la distance qui sépare nos deux régions. Je me suis basée sur le kilométrage de la voiture et non sur la distance à vol d'oiseau. Premier nombre annoncé : 180 km...


Pour terminer la journée, j'ai présenté grâce au vidéoprojecteur certaines données du DVD-rom. Parmi lesquelles des séances de classe, la chanson, des photos de sorties et pour terminer le trombinoscope pour qu'ils voient à quoi ressemblent les élèves qui leur ont offert tout cela.


Les élèves étaient très attentifs et curieux. Pour les remercier, je leur ai passé l'homme orchestre, court métrage de Disney. Les rires ont éclaté tout le long.

Finalement, je suis sortie de la classe à 14h au lieu de 13h et les élèves m'ont suivie à travers tout le village. C'est en cortège que je suis arrivée au Q.G. des associations.


Quant aux affiches sur l'Afrique, je les ai remises au directeur de l'école. Il a su apprécier ce don, m'expliquant qu'il était heureux d'avoir là un support visuel aux enseignements qui sont prodigués.


  1. Au retour

     

    4.1. Retour auprès des élèves alsaciens


Une matinée (ou un après-midi) sera choisie en concertation avec l'équipe de l'école d'Ingersheim et en fonction des disponibilités des élèves afin d'apporter un compte-rendu détaillé aux élèves, argumenté d'une projection du film et des photos qui ont été tournés lors de notre aventure en Afrique.

Pour les élèves de l'Atelier Relais d'Illzach, ce sera plus simple, il suffira de choisir un moment de la semaine, dans les horaires de classe !


4.2. Projets ultérieurs


Les makhanais nous ont laissé entendre que nous avions encore bien des choses à faire ensemble. Et je suis d'accord avec cela !


Je n'oublie pas mon projet de repeindre la classe afin d'apporter un cadre davantage sécurisant et plaisant pour travailler.


D'ici quelques mois la salle informatique sera transformée en cyber-centre (ce qui aurait dû être fait lors de notre voyage, mais amener l'ADSL en brousse, contrairement à ce qu'on pourrait naïvement penser, c'est pas simple !!!). Iba a suggéré la création d'un blog pour faire connaître le village et ainsi accueillir des touristes en quête d'authenticité. J'aimerais participer à ce projet et repartir à Makhana pour former qui veut à l'utilisation d'Internet dans ses fonctions les plus simples (je ne suis pas informaticienne...) et aider à la création de ce blog et d'adresses e-mail ; mais également montrer les fonctionnalités qu'offrent certains logiciels et un ordinateur dans sa globalité.


Je pourrais alors passer davantage de temps en classe, dans chaque niveau, et pouvoir entamer une réelle correspondance de classe à classe.


Bien sûr, d'autres projets sont encore envisagés, mais je laisserai les protagonistes en parler dans leur propre restitution de projet.


  1. Remerciements


Je tiens à remercier toutes les personnes qui de près ou de loin ont participé à ce projet.


En particulier :


  • Les ex-élèves du CM2 de l'école du Centre d'Ingersheim et leurs parents : Flore ANSEL, Ophélie CLERET, Laurine DEBONNIERE, Valentin FASSEL, Eric FREYTAG, Guillaume JACQUET, Dylan KAUFFMANN, Alexia KELLER, Ophélie LASFARGUE, Arnaud LISSE, Solène MEYER, Célia OTTENWAELDER, Daphné RENARD, Morgane REVELANT, Anthony RITZENTHALER, Alexandre SALMAN, Océane SANTOS, Maxime SCHMITT, Louis SPRUNGARD, Pierrick THORR, Anicée VERCHERE, Astrid WILLIG, Lucille WISS, Maxime ZOPP,

  • L'équipe pédagogique de l'école du Centre qui m'a soutenue dans mes démarches : Eric LEIBER, Dominique BASSAND, Martine HAFFNER, Odile EDEL, Anne-Catherine HOLL, Anne SASSI, Emmanuelle KELLER, Sophie FOUCHER, Corinne MARCHAND, Elisabeth SCHWEIGERT,

  • Monsieur Bertrand SACHS grâce à qui notre chanson a vu le jour,

  • Les élèves de l'Atelier Relais d'Illzach : Yassir BEN EL HAJ, Kévin TSCHIRRET, Guillaume SIERADZKI, Nicolas LUISI, Ousman TRAORE, Karim BOULBERDAA, Kenan BUDAK,

  • L'équipe de l'Atelier Relais : Sarah DIMASSI, Jean-François JUNG, Loïc MULLER,

  • Le principal du collège Anne Franck d' Illzach, monsieur Guy SPEHLER (sans son aval, rien n'aurait été possible),

  • Véronique WURTH et son association Alsace-Makhana,

  • L'équipe de l'association E-changeons le monde,

  • Les voyageurs qui ont dû supporter mes attentes : James MENTZER, Laure BOUCHER, Myriam BRAND, Véronique WURTH, Ambroise WURTH et Soumia MAJID,

  • Les élèves de la classe de CM2 de Makhana, leur instituteur Babacar THYOIE et le directeur monsieur Ismaïla FAYE,

  • L'association makhanaise Cap/Tundu Makhana,

  • Tous les makhanais qui nous ont si chaleureusement accueillis et en particulier : Iba, Alassane, Moussa, Bouby, Mounirou, Sokhna, Kumba, Younouss etc,

  • Tous les internautes blogueurs,

  • Et surtout, ma famille et mes proches qui m'ont soutenue et encouragée ! Ca n'a pas de prix !


MERCI A TOUS !

Publié dans Projets à Makhana

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M
Oui, c'est moi qui ai pris les photos qui étaient sur le blog de la classe, pour illustrer mon article. Es-tu satisfait de ce qui s'est passé dans la classe à Makhana ?
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P
ces toi qui a pris les photo
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